Quand on peut on veut. Et de l'acharnement.
Je ne connais que deux façons de penser:
Vouloir être la meilleure
ou
Abandonner.
Quelle peine de devoir faire des petits efforts. De ne faire ce que l’on veut que lorsqu’on peut. De se contenter de demi-mesures. « Tout ou rien » n’est-ce pas là, la définition même de la PASSION?!
Ma vie est un combat éternel: celui de suivre une vision, instaurer une discipline. Mais au quotidien, j’ai plutôt l’impression d’être un funambule en équilibre sur un fil au dessus de l’océan en pleine tempête. Et la tempête, ce sont mes conditions: le travail, la vie sociale, les distractions, les choses que je choisis de faire, et ce qui s’échoue dans ma vie par défaut, ou par la force des choses.
Répéter une action, une seule et même action, religieusement chaque jour parce qu’elle tend vers ce que JE VEUX VRAIMENT, relève du plus grand défi qu’a jamais connu ma planète interne: mon objectif de 10 minutes de gymnastique quotidienne est comparable aux efforts de l’Homme pour inventer la machine à remonter le temps, à l’acharnement des femmes qui ont peur de vieillir: j’ai l’impression que ma concentration est faite de grains de sable que j’essaye désespérément de contenir dans une passoire en pleine tornade.
Mais en vérité il n’y a rien de plus complexe que de rester concentré sur ses objectifs, et le vrai succès n’est en fait que la célébration d’un acharnement infini.
Le plus clair de notre temps est emporté par ce que l’on DOIT faire… et que reste-t-il pour ce que l’on veut vraiment faire?
Il y a ces idées communes que l’on connait pour, tour à tour, se responsabiliser, se motiver ou au contraire sombrer dans l’auto-flagellation: le célèbre : quand on veut on peut ou encore Qui veut faire quelque chose trouve un moyen, qui ne veut rien faire trouve une excuse.
Enfin moi je voudrais surtout pouvoir.
Et quelle volonté sait rester inébranlable face au fléau de la sensation d’impossibilité? C’est creuser un tunnel à la petite cuillière pour passer sous un mur… pour sans cesse se trouver face à de nouveaux murs. Bonjour les tendinites au poignets. Bonjour le désespoir.
Et si c’était le contraire? quand on peut on veut? Oui si d’un coup tout devenait possible, si l’argent n’était pas un problème, si l’on ne donnait pas 40/60 heures de sa vie à d’autres gens, à d’autres choses, ou à d’autres projets que les siens? Est-ce qu’on voudrait?
En théorie, oui!
Bien sûr, dans la vraie vie, lorsqu’on a du temps et de l’énergie, on n’a pas d’argent. Quand on a de l’argent on n’a plus de temps ni d’énergie.
Mais je reste convaincue que tout est question d’habitude.
Lorsqu’un jour je me suis retrouvée dans la possibilité de faire… je ne savais pas VOULOIR. Oui je ne savais pas comment vouloir.
J’étais tellement habituée à faire ce que je devais faire, que le jour ou j’ai enfin pu faire ce que je voulais, je ne savais pas comment m’y prendre. Et devant la paralysie totale que cette possibilité de faire a engendré, je me suis retrouvée dans le fossé terrible de l’incapacité à agir: le fait de pouvoir faire ce que je veux était nouveau et chaque pas dans ce néant était infiniment terrifiant.
Je n’avais pas l’HABITUDE de faire le premier pas, de COMMENCER à faire ce que je VOULAIS.
Que de temps perdu à contempler la paralysie de mes actions.
Et dans la panique générale j’ai fait ce que je SAVAIS faire, j’ai fait ce j’avais l’habitude de devoir faire: travailler pour quelqu’un d’autre.
Me voici quelques mois plus tard – avec quelques réalisations majeures:
On ne crée peut-être pas un chef d’oeuvre tous les jours, mais pour en créer un, un jour, il faut créer TOUS les jours. Ou du moins régulièrement.
L’ensemble des petits efforts, est tout aussi, voire plus important qu’un gros effort. C’est lui qui témoigne de la constance, de la détermination, de la régularité. Le funambule doit rester accroché au fil, coûte que coûte. Eventuellement les conditions météo s’amélioreront, et il remontera sur le fil, pour continuer sa traversée.
Le succès est une habitude: dans le mot « effort », réside le mot « force », et c’est avec une grande violence qu’il faut se forcer à faire entrer les bonnes habitudes dans nos pratiques artistiques. Pourquoi? Parce que quand on pourra, on voudra, et la paralysie ne sera qu’un vilain souvenir. L’habitude se manifestera comme un instinct. Le vide est moins effrayant lorsqu’on se prépare au saut chaque jour.
À force de faire des efforts tous les jours, on n’a plus l’impression de faire de l’art… mais plutôt de travailler. Et on est prêt à travailler 168 heures par semaine pour soi, pour éviter de travailler 40heures pour quelqu’un d’autre. Et oui, c’est aussi ça la magie du spectacle.
Et enfin en conclusion:
Si dans cette vie mon seul succès c’est de n’avoir jamais abandonné – j’aurais au moins le mérite d’avoir parfaitement maîtrisé l’Art de l’Acharnement Obsessionnel. (Vous m’autoriserez les majuscules pour l’occasion!).
et PS: le seul remède au doute, c’est le travail.